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Charles Fauvel

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En vol...



Cette rubrique donne la parole à quelques pilotes ayant eu le privilège de voler à bord des ailes volantes de Charles Fauvel. Leurs témoignages montrent à quel point ces machines, souvent dénigrées à leur époque, présentaient des caractéristiques remarquables.

- En vol sur les planeurs Ailes Volantes de Charles Fauvel, par Christian Ravel
-
Mon lâcher AV-36, par Pierre Plane
-
Souvenirs de l'AV-36, par Gérard Pierre-Bès
-
En vol sur l'aile volante Fauvel AV-36, par Jack Lambie (traduit de l'anglais)
- Premiers vols de l'AV-222 F-CRGC, par Jean-Claude Néglais

Les deux récits suivants sont basés sur des expériences en vol sur des ailes volantes de création récente. Ils sont révélateurs du comportement en vol de ces machines.

- Le Choucas, un volatile atypique, par Philippe Tisserand
-
En vol sur le Genesis, par Robert Salvo (traduit de l'anglais)


En vol sur les planeurs Ailes Volantes de Charles Fauvel
par Christian Ravel, président du Groupement pour la Préservation du Patrimoine Aéronautique (GPPA)

Christian Ravel est le fondateur du GPPA. Cette association a pour vocation la sauvegarde de planeurs et d'avions anciens. Elle anime un musée de l'air et maintient en état de vol plusieurs machines, dont une AV-22 et une AV-36. Le texte qui suit permet de mieux comprendre les caractéristiques de vol de ces ailes volantes, il est extrait du site du GPPA (http://www.decollage.org/gppa) où vous pourrez trouver de nombreux détails supplémentaires sur ces machines.

Officier de l’Armée de l’Air, pilote de records, pilote d’essais, Charles Fauvel (1904-1979) fut un des pères fondateurs du vol à voile français. On lui doit, entre autre la découverte du terrain de Beynes et celui du Centre National de la Banne d’Ordanche. Cependant, malgré une intense activité de pilote, de concepteur et d’ingénieur, il est plus connu pour ses réalisations de planeurs ailes volantes.

Tout au long de sa vie, Charles Fauvel a été fasciné par les aéronefs sans queue, plus communément appelés " ailes volantes ". Dans le domaine du vol à voile, il faudra retenir essentiellement quatre planeurs: l’AV-3 de 1931 et l’AV-17 de 1938, tous deux restés à exemplaire unique et dont nous aurons l’occasion de vous entretenir un jour mais surtout l’AV-36 monobloc de 1951 et l’AV-22, biplace dont l’idée de base remonte à 1946 même si elle ne fut construite que douze ans plus tard. Ces deux derniers appareils ont été réalisés en série, soit plusieurs centaines pour le monoplace et seulement 6 pour le biplace.

Si ces engins répondent à la même formule, ils sont très différents dans leur approche: le biplace AV-22 était à l’origine destiné à être un planeur à dispositif d’envol incorporé et fut construit en usine tandis que le monoplace, communément appelée La godasse sur les terrains était avant tout un engin léger destiné à la construction amateur. Son succès fut certain puisque presque 300 liasses de plans furent diffusées dans plus de 16 pays et qu’il est raisonnable de penser qu’environ 150 machines ont volé.

Si leur philosophie est différente, il en est largement de même pour leur aspect et la façon de les piloter. En aucun cas, l’œil non averti ne peut les confondre. Il s’agit plus d’un cousinage que d’une filiation comme pour les Bréguet 901 et 904, directement inspirés l’un de l’autre. La godasse monoplace est toute petite, basse sur son patin et bidérive alors que la biplace est énorme dans tous les plans: un gros fuselage, des ailes conséquentes, une roue (escamotable s’il vous plaît) et une monodérive de grande dimension. Ces différences de taille et de conception vont naturellement se ressentir sur le pilotage et l’utilisation du planeur. Je vous propose de faire un vol ensemble et de voir ce que ces machines mal connues ont dans le ventre. Le plus simple, semble-t-il, est partir dans l’ordre chronologique où je les ai fréquentées et de voler sur la monoplace, tout en indiquant chaque fois que nécessaire les différences existantes.

La sortie de l’AV-36 du hangar ne peut s’effectuer sans le petit chariot adéquat, c’est à dire le B.O. (1) muni d’une poignée, ce qui assure une excellente maniabilité et à deux cela se passe très bien, aidé par la faible masse à vide de l’engin, soit environ 130 kg. La biplace est, elle, munie d’une roue, ce qui facilite le transport, mais n’évite pas les trois personnes, deux à la queue et un à l’aile. Il est important de bien visualiser la manœuvre, car le haut fuselage empêche les aides portant la queue de voir latéralement de l’autre côté et c’est un coup à abîmer un aileron. La mise en piste est terminée et le planeur est en bordure de piste. Que ce soit avec la mono ou la biplace, l’engin ne laisse pas indifférent et il faut s’attendre à quelques (rares) moqueries sur les vieilles poubelles qui volent encore mais plus encore un intérêt faussement désinvolte et nombre de nos champions qui ne jurent que par les machines au dessus de 50 de finesse, viennent, mine de rien, voir à quoi ressemble ce truc étrange, en bois et toile, qui n’a pas de queue et qui pourtant est censé voler. C’est aussi le moment où l’on entend des appels du genre " tu sais, un jour où on ne pourra tourner un 750 km, peut-être....et ben oui, si on ne peut rien faire d’autre, ben euh!!!! peut-être bien que je ferai bien un tour là dedans.... "

...Laissons les champions à leurs orchidées en plastique et installons nous dans notre curiosité. Pour la monoplace, c’est simple comme dans les anciens Nord 1300 ou émouchet, on tombe dedans et on a la surprise de découvrir que pour un homme normalement constitué (1,85 m et 100 kg), il y a une place largement suffisante. C’est bien connu en vol à voile, les machines sont toujours plus grandes de dedans que de dehors; pour la biplace, si l’accès à la place avant est classique, un peu comme dans le Bijave, il n’en est pas de même pour la place arrière où il faut d’abord s’asseoir d’un coup de rein élégant sur le bord d’attaque puis se glisser dans le vaste baquet qui nous accueille largement. Là, grande surprise, les palonniers ne fonctionnent pas horizontalement comme sur un honnête aéronef, mais s’enfoncent verticalement à la façon des pédales d’orgues. Ca va être gai tout à l’heure en vol! A part ce truc étrange, on est bien dans une Fauvel: les commandes sont accessibles, la visibilité semble excellente et, à condition de ne pas regarder vers l’arrière, on se croirait dans une machine classique.

A l’origine, la monoplace était munie de deux crochets, dans le bord d’attaque des ailes, au droit des dérives; il fallait donc un brin de câble en V, qui coulissait dans un anneau du câble principal. Cette solution a été abandonnée sur la plupart des machines pour des raisons de commodité de pilotage et d’exploitation (si vous saviez ce que ça devient drôle lorsqu’un seul des crochets largue ou bien lorsque le brin en V s’est décalé en turbulence!). Donc pour la plupart des Fauvel mono et biplace, on est revenu à la solution simple du crochet unique dans le nez comme sur tout planeur ordinaire. Bien installé, le câble se tend et le décollage est imminent. Là, il est important de se souvenir des différences des comportement entre les deux planeurs;
la monoplace ayant tendance à marsouiner longitudinalement au décollage, il sera nécessaire de la mettre en l’air le plus vite possible à l’aide du manche maintenu légèrement secteur arrière, quitte à rendre la main avec délicatesse une fois en l’air. Pour la biplace, c’est pile l’inverse: Avec sa grande roue, l’aile à une incidence importante et il faudra, au contraire, amener le manche secteur avant pour empêcher un décollage prématuré (comme sur Piper J-3 ou Jodel 112).

Une fois en l’air, le cri de guerre poussé, le remorquage est on ne peut plus classique sur les deux machines; bien sûr l’AV-36, beaucoup plus légère, marsouinera un peu dans la turbulence, mais c’est tout. Le largage est tout aussi classique et, comme nous avons quitté le remorqueur dans une bonne ascendance, nous nous mettons à spiraler; là aussi, le comportement des deux machines est très proche: très classique en profondeur et en direction, on notera juste un soupçon de lacet inverse supplémentaire sur la Fauvel 22, mais sans excès. Comme sur tous les planeurs de cette époque, il faudra une conjugaison poussée à base de pied à fond dans le sens du virage et il est parfois nécessaire de soutenir le virage par un peu de manche extérieur pour éviter l’augmentation de l’inclinaison. On pourra dire, pour ceux qui ont connu cette époque, que la Fauvel 22 se pilote comme un C-800 et la 36 comme un émouchet, par contre les ailes volantes sont plus fines de 3 à 5 points que les machines précitées; pour la biplace, il est raisonnable de compter 23 de finesse et 20 pour la monoplace. Bien entendu, tout cela se passe à des vitesses faibles (environ 80 km/h), eu égard aux planeurs modernes.

Puisque nous sommes dans une aile volante, quelle impression cela fait-il? En fait, c’est un planeur exactement comme les autres, avec les qualités et défauts des machines de cette époque. Oui, mais l’aile volante? Eh bien, dans la monoplace, il est facile de se retourner et d’apercevoir....rien derrière, à l’exception des deux dérives qui ont un charme certain. Pour la biplace, c’est différent: en place avant, l’épaisseur de l’aile empêche de s’apercevoir de l’absence de fuselage et l’on se croirait sur un bon vieux Bijave. La place arrière est beaucoup plus gag: tout d’abord, on voit très bien le bord de fuite de la voilure et donc l’absence de fuselage, mais mieux encore, pour des raisons de place, Fauvel a installé un palonnier à débattement vertical, du style pédalier d’orgues. Les premiers virages surprennent un peu, mais on s’y habitue très vite et on fini par oublier cette particularité. On bénéficie par contre d’une extraordinaire visibilité, sauf sur le tableau de bord qui est unique pour les deux places et naturellement situé à l’avant. Avec un peu d’expérience, on alterne la recherche des instruments avec la position de la tête du copain ou de l’élève, et ça marche d’autant mieux que le siège arrière est surélevé d’environ 30 centimètres.

Que vous dire de plus sur le vol de cette machine? Ca spirale bien, ça monte bien, c’est relativement fin, mais si le vol n’est pas symétrique, vous le savez tout de suite; des vibrations à basse fréquence apparaissent et sont amplifiées phoniquement par l’immense caisse de résonance que constitue l’arête dorsale de l’AV-22. Et puisque nous parlons de particularités, il faut se souvenir que ce qui leur sert de profondeur est situé au bord de fuite de l’aile, dans une zone perturbée, surtout à basse vitesse, donc aux grands angles. Cela expliquera le battements longitudinaux du manche. Certains ont réussi à les diminuer, surtout sur la monoplace, en améliorant l’écoulement autour de la verrière, mais, à ma connaissance, jamais personne n’a pu les supprimer. En pratique, c’est quand même, vu de l’intérieur, un planeur comme tous les autres de son époque. C’est de dehors que c’est plus surprenant.

Un bel après-midi de juillet, il y a deux ou trois ans, je spiralais paisiblement au dessus d’Angers dans la biplace, avec un copain. Nous avons croisé dans l’ascendance, un planeur plastique d’un autre club et qui devait être en circuit. Le pilote a du croire avoir des hallucinations; c’était un jeune qui ne soupçonnait pas qu’un truc orange et blanc, sans queue, avec une gueule pareille puisse se trouver en l’air à côté de lui. Il est venu en patrouille serrée et sa stupéfaction était visible. Il n’y avait pas de petits hommes verts dans cet engin, mais deux vélivoles rigolards qui lui faisaient de grands signes. Par deux fois, il est parti cap sur sa base, puis est revenu confirmer qu’il n’avait pas abusé des bonnes choses. Oui, ce...enfin, ce... comment dirai-je, cette chose qui volait à côté de lui, je ne suis pas sur qu’il a osé raconter à son chef-pilote ce qu’il avait vu, de peur de se faire enfermer. Eh, oui, mon garçon, ça existe une Fauvel AV-22. Il en reste même trois au monde, une à Angers, une à Pont-Saint-Vincent et une en Angleterre, rachetée à Poitiers par un anglais fana il y a quelques années (Vous avez dit " maintien du patrimoine français "? Non, Ah bon, j’avais cru!). Quant aux AV-36, il doit en rester cinq ou six en France à ce jour. D’une façon générale, les Fauvel se font donc peu nombreuses et sont d’autant plus regardées que leur silhouette particulière rime avec rareté.

Mais trêve de philosophie, nous sommes en vol et il faut voir ce que ces bestioles ont dans le ventre. Pour la mania, rien ne vaut un bon huit paresseux (2). Là le comportement des deux machines est identique, à l’inertie près. Prenons une petite vitesse de 120 km/h et c’est parti, le nez dans le ciel et la mise en virage simultanée; toujours beaucoup de pied à mettre, mais du grand classique et on se retrouve avec un badin comateux et une inclinaison très importante, puis le nez plonge et on recommence la manœuvre à grande vitesse de l’autre côté et avec beaucoup de douceur. Dans tout le domaine de 50 à 180 km/h, c’est un régal et certaines inclinaisons en haut dépassent la verticale pour un petit retour dos. C’est une merveille et il faut penser que Charles Fauvel n’a fabriqué ses planeurs que pour cela. Il faut dire qu’il a vu plutôt large sur les coefficients de sécurité (3). Dans un autre ordre d’idées voyons comment se comportent ces engins aux basses vitesses: le processus et le résultat sont identiques pour les deux machines: dès que la vitesse diminue, le battement du manche apparaît et s’amplifie, puis celui-ci en butée arrière, nous arrivons à une sorte de descente parachutale avec de petit mouvements brefs du nez vers le bas et on recommence. Si l’on veut vraiment faire basculer la machine, il faut prendre une certaine vitesse et la cabrer sensiblement. Là, alors, elle bascule mais se rétablit tout aussi vite.

Toutes ces évolutions nous ont montré une machine très saine d’utilisation malgré son aspect bizarre. Elles nous ont aussi fait perdre pas mal d’altitude et il faut penser à l’atterrissage. Nous retrouverons là les mêmes caractéristiques qu’au décollage et pour toutes les deux, il faut toujours se souvenir de la faible efficacité de la profondeur à faible vitesse et majorer la vitesse de finale, et ce, d’autant plus que le centrage est avant. Par contre des différences marquées apparaissent en finale et à l’arrondi : Les aérofreins de la monoplace sont situés sous l’intrados de l’aile, sont peu efficaces et agissent de plus comme hypersustentateur aux faibles braquages. Au début de leur sortie, ils induisent une légère portance, le nez remonte, la vitesse diminue et on n’a plus rien en profondeur; bilan: le cadre n°2 du fuselage à changer. C’est une maladie connue de ces engins. Par contre, si l’on a pris un plan correct, sorti les aérofreins à une altitude raisonnable en gardant bien sa vitesse, la finale est facile et l’arrondi se termine, manche au ventre, dans un crissement délicat du patin sur l’herbe. Pour la biplace, les aérofreins, sortant à l’intrados et l’extrados, induisent un tel couple cabreur que Fauvel a été obligé de doter la profondeur d’un trim automatique couplé avec ceux-ci, afin de contrer leur effet. Dans la pratique, la manœuvre n’est toutefois pas totalement neutre et il faudra songer à pousser fermement sur le manche lorsqu’on actionne les soupapes. Là aussi, une chute du badin en finale peut avoir des effets dévastateurs. Par contre, si la présentation a été bonne, l’arrondi lui-même est facile mais il faudra être sur de la visualisation de celui-ci selon qu’on occupe les places avant ou arrière (rappelez-vous, trente centimètre de différence de hauteur). Là aussi, il faudra tenir compte de la hauteur de la roue et après un atterrissage tout ce qu’il y a de normal sur un planeur, il sera nécessaire de soutenir la queue par du manche avant pour éviter que, celle-ci retombant à relativement grande vitesse, ne crée une incidence et fasse redécoller le planeur. Il faut savoir aussi que la glissade est facile sur ces deux machines et particulièrement spectaculaire avec la biplace. Aérofreins plus glissade donnent un taux de chute impressionnant qui terminera élégamment une présentation en meeting et affinera la précision d’atterrissage.

Voilà, c’est fini, nous sommes par terre et il ne reste plus qu’à tracter l’engin en piste pour un nouveau départ. Nous venons de voler sur des engins les plus spectaculaires du vol à voile français, les plus décriés aussi, de préférence par ceux qui ne sont jamais montés dedans. Quant aux autres, ceux qui connaissent, ils en redemandent. Qu’en dire, en conclusion? Leur silhouette surprend et ne laisse pas indifférent, cela a des performances mieux qu’honorables pour des machines de cette époque et le pilotage est, sommes toute, très classique. Le seul point capital à vérifier est le centrage; du fait de l’absence d’empennage, la plage utilisable par le centre de gravité est très faible et sa vérification est impérative. Il y a réel danger à en sortir. Et pour finir, sur la biplace, si vous oubliez de sortir la roue en finale, vous pourrez dire, comme dans la carte de service du planeur que sur terrain non préparé, il est préférable de se poser sur le patin. C’est arrivé à des gens très bien (4) et il suffit de deux personnes à la queue pour ressortir la roue. Il y en a toujours beaucoup plus pour l’arrosage qui suit.

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(1) Le B.O. est le petit chariot à deux roues servant à déplacer les planeurs. L’origine de ce terme est généralement rapportée au tramway Bourget-Opéra qu’utilisaient les aviateurs d’avant guerre.

(2) Pour les profanes, c’est une manœuvre qui ressemble à un huit effectué sur la surface intérieure d’un bol et qui permet de tester la conjugaison des commandes à toutes les gammes de vitesses.

(3) Plus de 10 sur l’AV-36.

(4) C’est arrivé il y a quelques années à deux archéovélivoles connus, totalisant à eux deux plus de 35.000 heures de vol, dont 3.000 de planeurs!


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Mon lâcher AV-36
par Pierre Plane, membre du GPPA

Pierre Plane nous dévoile ses impressions lors de ses premiers vols sur AV-36.

Non, je n'étais pas enthousiaste pour voler sur cette machine, plutôt réticent. Cette espèce de planche volante, pas très belle en vol, ne m'inspirait qu'une confiance mitigée. Puis, on disait : "Attention au marsouinage au décollage, il faut se poser cabré sinon on passe sur le dos, le centrage est délicat..." bref, rien pour vous enthousiasmer.

Puis, à Keilheuvel, au 18ème rassemblement de planeurs anciens, j'ai vu l'AV-36 amenée de Pont-St-Vincent par Dominique Haguenauer et Christian Mathieu. Les ailes jaunes, les dérives et l'embryon de fuselage orangés, la verrière étroite et longue la faisait ressembler à un gros modèle réduit. A l'intérieur : tableau de bord en bois verni, cadre des instruments en laiton, style vieille marine, siège en palissandre, un vrai bijou de finition. En tournant autour et au cours de nombreux "pots" sous les pins (bière légère 1,5°), J.P. Robin, qui en possède une à Gap, se livrait à une véritable intoxication mentale enthousiaste : "Ca se pilote tout seul, je fais le remorqué en lâchant le manche... en butée arrière l'aile se contente d'un vol ondulé... ça monte mieux que tout..."etc. Dominique et Christian Ravel, plus calmes, me disaient que c'était facile.

J'étais dans l'obligation d'essayer. Les résultats sont là : le premier vol pour 0 h 57, le deuxième pour 2 h 45. J'ai été séduit par l'AV-36. Oui, c'est vrai, il ne faut pas être gros pour rentrer dedans. Oui, il a fallu mettre une petite gueuse de 0,5 kg à l'arrière du patin. Oui, au décollage, dans le nuage de poussière derrière le remorqueur, j'ai un peu "marsouiné", mais ça s'est arrêté tout seul en laissant faire la machine. Oui, la pantoire accrochée sur l'aile, de part et d'autre du fuselage, n'est pas gênante et aide au virage. Une fois largué, ça vole tout seul et il faut faire un effort pour se persuader qu'il n'y a pas d'empennage derrière. On croirait piloter un planeur plastique moderne. Vent arrière 300 m, je préfère être long plutôt que trop court, les aérofreins sont peu efficaces et hypersustentateurs, il ne faut pas les rentrer à 2 m du sol, ça se pose tout seul, un peu cabré, 3 points, presque comme un avion à train classique, sauf qu'on ne risque pas de toucher la béquille la première.

Intéressé,je remets cela le lendemain. Il y a un peu de vent traversier, les ascendances sont turbulentes. Là, on sent que la machine est légère. On a à faire à un petit cheval impétueux qui ne veut pas tourner à gauche (sens giratoire obligatoire) quand on le sollicite ; il faut insister. La rentrée dans l'ascendance se marque par un grand coup de pied dans le derrière ; si le vol n'est pas symétrique un mélange de sifflements et de grognements vibratoires se manifeste. J'ai vraiment l'impression d'un petit animal à qui il faut parler pour le calmer et je me surprend à le faire : "Bon, du calme maintenant, pas si vite, 80 c'est trop ; bon, tu veux tourner à gauche maintenant ? C'est là que ça monte..." Effectivement, ça monte très bien. Encore un passage agité, 2 à 3 m/s. On a l'impression d'être assis dans un fauteuil, car on est très bien assis, et que brusquement on tire le fauteuil vers le haut pour vous en sortir. En ligne droite, comme l'a dit J.P. Robin, je lâche tout et, en effet, réglée avec le tab, l'aile vole seule dans une espèce de lent vol ondulé : 80, léger cabré, 70, léger piqué et ainsi de suite. Je n'ai pas essayé de la faire accélérer en penchant la tête en avant et ralentir en la portant en arrière ; il paraît que ça marche. Voilà 2h45 que je m'amuse, je suis quand même un peu fatigué : le vol, la densité des planeurs autour. Je me pose.

Merci à Dominique de m'avoir prété la machine. C'est sûr, nous irons au prochain rassemblement des ailes volantes, à Pont-St-Vincent, avec l'AV-36 de Christian Ravel. L'aile volante AV-36 ? Un petit bijou à découvrir.


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Souvenirs de l'AV-36
par Gérard Pierre-Bès

Ce texte est paru dans la revue MRA (Le Modèle Réduit d'Avion, cf références), Gérard Pierre-Bès y décrit ses souvenirs de pilote d'AV-36. L'article complet de MRA est destiné à la réalisation d'un modèle réduit, nous en avons extrait ici une petite partie.

De son nom exact AV (aile volante) 36 "Monobloc", la machine fut créée par Ch. et J. FAUVEL, de vieux adeptes de l'aile volante, comme ABRIAL, dans les années 50. Comme son nom l'indique, c'est un planeur d'une seule pièce, non démontable, ce qui offre de gros avantages de compacité et de solidité, et quelques inconvénients de transport par route, sur remorque... Il fit beaucoup couler l'encre a l'époque, tant en bien qu'en mal... En mal, par suite de quelques défauts de jeunesse, corrigés ensuite dans la série ; par exemple un premier patin arrondi sur lequel l'outil était comme sur un cheval à bascule, et qui occasionna, entr'autres, un... heu... atterrissage 3 points, comme en avion... à un chef de Centre National de mes amis (Grrr…). Il faut préciser toutefois que les 3 points en question étaient le cockpit et le sommet des 2 dérives ! En mal, encore, par suite de la nature même de la machine, c'est-à-dire de la formule aile volante. Il circula à cette époque, des tas de bruits divers sur son utilisation - parfois invraisemblables - corrigés à grands renforts de mises au point dans Aviasport de l'époque, par un Charles Fauvel outré. (...) Il faut vous dire que Ch. Fauvel avait bien raison : en tant qu'utilisateur assidu, je peux témoigner que la machine, quoique de pilotage un tantinet inorthodoxe (on avait eu tort de la présenter comme " aussi classique qu'un classique ") était extra quand on l'avait bien en main (et il fallait bien une semaine de vol continu dessus, pour ça,… ) (je veux dire pour l'utiliser au mieux) mais bien sûr elle surprenait un peu les mecs qui savaient tout et qui se contentaient d'un simple vol dessus, en déclarant péremptoirement à leur descente " je ferai plus d'ce machin-là, c'est d'la m... " Peut-être aussi a-t-on eu tort d'en vanter les mérites au-delà de ses capacités, et la faire passer pour la panacée universelle, alors que le créateur la destinait comme " planeur d'entraînement à la perfo "... et à ce titre, elle valait bien un Nord 2000, (n'oublions pas, c'était en 50). Signalons aussi qu'au Centre National, on la donnait aux débutants, en raison de sa robustesse, à équivalence avec les Emouchets, Castel 310 P ! C'est moi qui vous dit que, en ce qui me concerne, c’était tout choisi... et c'est un bienfait qu'il régnât alors ladite légende... les autres sautaient sur le 310... et moi je la gardais des semaines entières...

Oui, donc, elle avait quelques particularités (pas des défauts ! je m'excuse, elle n'en avait pas plus que les autres...) qui nécessitaient une adaptation à la bête. Le même genre de particularités qui faisait que, par exemple, un élève formé sur Piper, était inlâchable sans sérieuse reprise en main, sur un Émeraude... Bon, à titre indicatif, j'ai cassé un jour (1957) un patin sur l'AV-36/115, à cause des A.F. hypersustentateurs (mais oui, j'ai cassé des trucs dans " ma carrière "... attendez un peu que je traite de la maquette de l'Air 102... et vous saurez ce que ça veut dire " casser "... ) uniquement parce que j'ai fait le contraire de ce que Fauvel avait préconisé... à savoir : les rentrer doucement à ras du sol... Ce n'était pas un défaut de la machine... mais du pilote " déformé " par le pilotage " classique " (sic). J'avais en effet à l'époque la déformation du N 2000, sur lequel les A.F. peu efficaces, se manipulaient comme une pompe à m... et je vous assure que j'ai vu monter le sol sous mon nez, comme un mur à 45°, et que la brave bête est quand même retombée sur ses fesses... enfin, je veux dire sur les... heu... morceaux de son patin... sans quoi j'étais bon, moi aussi, pour l'atterro 3 points sus-cité...

Et la brave machine, que je revois souvent (elle a servi d'étalon pour l'établissement du plan au 1/4) ne m'en a jamais tenu rigueur ! Si son numéro (115) ne m'avait pas " dit quelque chose ", et que je n'aie pas eu la curiosité de fouiller dans mon vieux carnet de vol, elle ne m'aurait même rien dit du tout... ! un chien aurait remué la queue, hein, mais une aile-volante !

Autre particularité : elle n'avait pas grande efficacité au palonnier (Direction) - ce qui n'est pas vraiment une particularité, car c'est commun à tous les planeurs (sauf " la " Bréguet 905...) comparativement aux avions - En fait, il s'agissait (et il s'agit toujours, sur la maquette, nom d'un chien !) d'une disproportion entre les ailerons ultra efficaces, et une direction lente, car privée de bras de levier. Il s'en suivait une conjugaison imparfaite (à titre indicatif... si vous voyez la finesse grammaticale...) et, en mise et sortie de virage, on voyait la bille au milieu seulement quand elle y passait... Là encore, des conseils pratiques de Fauvel étaient publiées dans Aviasport, pour limiter ces vagabondages excessifs, sans grande conséquence d'ailleurs (une aile volante, ça refuse l'autorotation). Sa " longitudinalité " était assez pointue, toujours du fait de l'absence de bras de levier. La profondeur était très sensible, le centrage susceptible (elle faisait 119 kg à vide, et un pilote en avant du CG, de 50 à 90 kg, ça changeait les choses !) était ajusté par lests mobiles, sous la forme de gueuses ou sacs de plomb (que les pôvres " fifilles-de-50 kg-ne-mangeant-que-des-biscottes " devaient se trimballer partout !). Cette susceptibilité en profondeur était surtout piégeante en cas de " pompage " sur le manche à ras du sol, au décollage ou à l'atterro (demandez au Chef de Centre en question...) mais en l'air, pas de problème.

Autre particularité folklorique... son câble de remorquage en V... Elle était pourvue de 2 crochets classiques (c'est le crochet, qu'est classique, pas le nombre !) sous le bord d'attaque, devant les dérives. Un câble en V y était accroché ; la pointe du V à une dizaine de mètres devant le nez, était pourvue d'un anneau auquel le câble normal était accroché ; l'anneau avait donc une certaine course (la pointe du V se décalait... youpie !) limitée par 2 balles en mousse, coincées par deux noeuds...
Quand vous saurez que
- la direction était peu efficace,
- les balles en mousse, déchiquetées rapidement, disparaissaient,
- l'anneau passait outre le noeud, et restait coincé derrière...,
vous saurez le genre de remorquage qu'on pouvait se payer parfois... Disons que, c'est marrant, maintenant, d'en parler avec le recul, mais sur le moment !... (...)
Au treuil, elle était aussi très chouette... Elle grimpait aussi haut qu'un Grünau (N 1300 Allemand) à crochet arrière, dans une position (lire "sous un angle tel") ...! heu, c'est simple on ne voyait la terre que par l'arrière... et quand le câble cassait (et c'était souvent) on avait 2 chances sur 3 de passer sur le dos avant d'avoir crié ouf, et de faire la boucle complète ! oui oui j'ai bien entendu eu ces 2 chances ! (à 150 m du sol)... enfin le mot " chance " est bien galvaudé, n'est-ce pas ? Rassurez-vous, on n'en mourait pas - la preuve - car elle tournait les boucles " autour du longeron ", et ça se passait très vite, très vite... juste le temps de s'apercevoir que la terre n'était pas à sa place habituelle... et tout redevenait normal, à croire presque qu'on avait rêvé, sauf le bout de câble qui pendait du nez !

Quand à la voltige (elle avait le coef. 12 à la rupture, donc autorisée voltige et vol de nuage - trouvez beaucoup d'autres planeurs de l'époque au même coefficient !) elle était limitée par sa nature même d'aile volante. Elle n'aimait pas le vol dos, pas du tout... ! Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais chut, ne le dites à personne, il y en a qui auraient des regrets rétrospectifs... ! J'ai justement eu au téléphone, un vieil ami et Chef Pilote de Centre National qui m'a rappelé dernièrement qu'à l'époque, il faisait des meetings avec l'AV-36, en présentation voltige, et que les seules figures qu'il présentait étaient : les boucles qu'elle faisait à merveille, les renversements, les retournements, les lazy-eight. A ma question : " tu ne faisais pas de tonneaux ? " il m'a répondu : " je me suis toujours dégonflé devant l'énorme badin qu'il aurait fallu prendre... ". A mon autre question (qui me tracassait !) " et le vol dos ? ", réponse " on arrivait à l'y mettre, mais c'était manche au tableau, et à la moindre turbulence, ça partait dans tous les sens, on n'arrivait pas à la tenir ! " - ça m'a rassuré...

D'autres m'ont dit qu'ils en faisaient, des tonneaux. mais que c'était "spécial". Bien entendu, passages, ressources, AF et atterro faisaient aussi leur effet, avec cette machine qui sortait de l'ordinaire pour le public des meetings. Quant à l'autorotation (la vrille), il n'en est pas question par définition : l'autorotation est un décrochage en attaque oblique maintenue à la direction, et pour ça, il faut une direction efficace au bout d'un bras de levier... ce qui n'est pas le cas. Elle déclenche, fait 1/2 tour, et en sort en virage engagé, mais c'est tout. Par contre, elle glissait remarquablement bien.

Que dire encore ? qu'elle billait bien, quoique sa vitesse de chute paraisse aujourd'hui prohibitive, et que ça permettait de l'utiliser en onde. Mais à St-Auban, par régime d'onde vigoureux, c'est à dire par fort Mistral, on ne la sortait guère pour les stagiaires de début on raison de ses faibles défenses en tangage et en lacet, (manque d'amortissement dû au bras de levier faible) surtout dans les méga-turbulences des rotors sous le vent de la montagne de Lure ( y en a des, qui tordaient les palonniers de 904 !) ou au ras du sol. Que de bons souvenirs... comme on vieillit !

Pour son époque, l'AV-36 était un planeur apprécié par beaucoup (si ce n'est pas par tous...) et dans nombre de cas, on la compara à des planeurs de sa classe, et de classes supérieures comme l'Air 102 et même le 901 ! J'en veux pour preuve les comptes rendus d'Aviasport (le n0 29, oct. 56 p. ex.). Vous noterez en passant (les "jeunes " apprécieront...) les 460 km dans les mains de Monsieur Nessler... hein !... pour une godasse " (certains ont donné ce surnom à l'AV-36)... On commence seulement à faire assez couramment des 500 avec les plastiques actuels... C'est aussi le seul planeur de l'époque, de fabrication française à avoir été homologué et vendu a un certain nombre d'exemplaires à l'étranger.


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En vol sur l'aile volante Fauvel AV-36
par Jack Lambie

Jack Lambie a effectué de nombreux vols pendant des années à bord d'une des premières AV-36, en Californie.

A l'automne 1960, j'ai acheté le planeur aile volante Fauvel AV-36 de Fred Jukisch, en y consacrant une partie de l'argent que j'avais gagné grâce à une publicité télévisée que j'avais réalisé au printemps. Le jour suivant je l'engageai au concours de vol à voile d'Elsinore et effectuai mon premier vol sur un triangle de 89 miles, me classant troisième.

Après plus de 2000 miles de vol à voile sur la campagne, et de nombreuses heures de vol pendant toutes les années durant lesquelles j'ai possédé ce planeur, je peux aboutir aux conclusions suivantes concernant son comportement et ses performances :
En vol la stabilité en tangage était remarquable, le compensateur était simplement réglé pour l'angle d'attaque souhaité et c'était tout ce dont vous aviez à vous soucier. En spirale ou en ligne droite, la vitesse était constante sans mouvement du manche. En fait vous pouviez lâcher le manche pour stabiliser la vitesse dans un virage turbulent. En plané stabilisé, je pouvais me pencher en avant pour accélérer et en arrière pour ralentir sans bouger le manche...

Le taux de roulis était très bon, mais j'ai découvert, après une dizaine d'heures, qu'une déflection totale des gouvernes de direction accroissait considérablement ce taux. Le planeur pouvait effectuer des renversements, des boucles, des décrochages inversés, des engagements en vrille d'un demi tour, sans effort et en toute sécurité. Plusieurs fois j'ai tiré sur le manche et grimpé, en essayant d'effectuer une manoeuvre en cloche. Le nez du planeur s'abaissait à chaque fois lorsqu'il était tout en haut, et le planeur tombait comme une masse pendant une seconde puis retrouvait son attitude normale. Je n'ai jamais pu provoquer une cloche.

Jamais un problème en vol. Une fois, en effectuant un renversement avec les gouvernes de direction braquées à fond, les blocs de bois qui tenaient les supports de poulies cédèrent. En utilisant seulement les ailerons je réussis à atterrir sans problème.

Le B.O. était un élément de suspension automobile doté de roues. Il était généralement positionné en avant du C.G. pour aider au décollage, et était éjecté un peu avant d'atteindre la bonne vitesse de vol. Voyons cela plus en détail : Comme l'attache de remorqueage était un crochet en arrière du C.G., l'aide qui tenait l'aile au décollage devait aller bien droit jusqu'à ce que le planeur atteigne la vitesse de contrôle. Un cheval de bois se produisit un jour au décollage lors d'un départ en remorqué à Torrey Pines, parce que l'aide avait relaché l'aile trop tôt. Les décollages au treuil étaient faciles et toujours réussis.

Une autre fois, à Elsinore en Californie, le B.O. fut placé trop en avant et le planeur prit beaucoup de vitesse avant de s'élever. Le B.O. sauta et rebondit, pénétrant dans la profondeur en arrière de l'aile, la cassant en deux. Lors du bref remorqué je ne remarquais rien, car je maintenais la profondeur défléchie vers le bas. Après séparation je ralentis, et le manche se mit à battre d'avant en arrière, tandis que le planeur se balançait au même rythme. Je regardais en arrière par la petite fenêtre que j'avais installé, et je vis du bois et de la toile traînant et battant au vent.
Que faire ? C'était la première fois que je pilotais sans parachute cette petite aile volante . Je ne le portais pas durant ce vol car je souhaitais déplacer le centrage vers l'arrière pour voir si cela réduisait le taux de chute. Effectivement j'ai procédé une autre fois à cette expérience, mais c'est une autre histoire. Là, il n'y avait pas d'autre alternative que d'atterrir. Je me mis à voler très lentement en amenant le planeur branlant à terre dans une douce glissade, et je m'arrêtais au milieu d'un champs. Ouf ! Je réparais et recollai le longeron de la profondeur puis revolais le weekend suivant.

L'atterrissage n'était pas un problème, à moins que le saumon d'aile ne vienne à toucher quelque chose : un brin d'herbe, une fleur, ou un papillon... J'ai eu trois des "chevaux de bois" les plus importants jamais effectués lors d'atterrissages en campagne. Invariablement, les parties inférieures des gouvernails étaient endommagées, ainsi que d'autres coins du planeur. Une fois entamé, cela se jouait en une seconde et c'était totalement incontrôlable. Je mis des petites roues à la base des sous-gouvernails pour en éloigner les extrémités du sol, mais la seule technique vraiment efficace était d'atterrir bien droit et de prier pour que rien ne vienne à toucher un bout d'aile avant que le planeur ne soit totalement immobilisé.

Le patin était pratique dans la mesure où il permettait de freiner le planeur si rapidement qu'il raccourcissait cette phase dangereuse du vol, mais je pense qu'il contribuait à l'effet "cheval de bois" car la décélération faisait porter le poids sur l'avant du patin, rendant le contrôle directionnel plus délicat.

Si le planeur atterrissait à une vitesse supérieure à la vitesse de décrochage, il avait tendance à rebondir dans l'air lorsque le patin touchait, et remettait le nez en ligne de vol. Je n'ai jamais eu ce genre de problème, mais j'ai entendu Fred Jukich et quelques autres évoquer des difficultés avec cette caractéristique génante.

On a naturellement tendance à comparer la Fauvel au Schweizer 1-26. Chacun a une envergure de 40 pieds et est conçu pour le même niveau de performance. La Fauvel pouvait facilement surclasser le 1-26 à toute vitesse supérieure à 55 mph, et elle était si stable qu'elle donnait l'impression que voler avec le 1-26, c'était comme de faire du monocycle. Aux basses vitesses le 1-26 était meilleur car la queue maintenait facilement l'aile dans une position de portance maximale, alors que la profondeur de l'aile volante était dans la partie centrale du bord de fuite de l'aile, réduisant ainsi considérablement la portance. Aux basses vitesses, tirer le manche en arrière amenait rapidement la machine au sol.
En conclusion je dirais que les bonnes caractéristiques et les bonnes performances en vitesse de l'aile étaient ses meilleurs atouts.
Si je devais construire une aile volante elle aurait une roue en avant du C.G. pour une meilleur tenue au sol, une unique grande gouverne de direction au centre pour éliminer le lacet inverse, et un dispositif pour déplacer le siège d'avant en arrière pour un contrôle optimum de la vitesse avec moins de déflection de la profondeur. J'aimerai aussi qu'elle puisse être démontée, au lieu d'être en un seul morceau (comme l'original). Les facilités de stockage compenseraient les quelques minutes supplémentaires passées au montage sur le terrain.

J'ai toujours été fasciné par les ailes volantes et en posséder une et faire du vol à voile avec était une expérience délicieuse. J'ai volé à bord au cours de nombreux meetings et effectué de nombreuses boucles serrées à basse altitude, à la grande stupéfaction des spectateurs.
Parmi mes trésors il y a des lettres personnelles de Charles Fauvel et la remise du trophé Survol pour la plus grande distance parcourue en circuit sur ce type de planeur.


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Premiers vols de l'AV-222 F-CRGC
par Jean-Claude Néglais

Jean-Claude Néglais est LE grand spécialiste français des AV, il compte déjà à son actif la reconstruction et la transformation d'une AV-36 en motoplaneur ULM, la restauration d'une AV-22, et leur utilisation assidue pendant plus de 10 ans. Ayant récemment mené à son terme la construction d'un motoplaneur AV-222, il évoque ici les premiers vols de cette machine.

Tout finit par arriver. J'avais annoncé dans le bulletin de "Dédale" (association française des amateurs de planeurs anciens) qu'un jour il y aurait un motoplaneur "ancien-neuf" dans la flotte de l'association. Depuis le week-end des 22-23 juillet 2000, c'est chose faite.

Ce motoplaneur, version définitive de l'AV-221, a été conçu à la fin des années 60 par Charles Fauvel en partant du planeur pur AV-22. C'en est une version côte à côte où le moteur à l'avant assure le centrage identique à vide et en charge. Un seul exemplaire volait jusqu'alors en Suède, construit par Hans Martinsson.

Le mien a été largement entamé depuis la fin des années 70 par Patrick Le Bouill, près de La-Baule, et puis après quinze ans d'efforts il a jeté l'éponge. Je lui ai donc acheté il y a sept ans une sorte de "kit", mais il restait encore beaucoup de travail à accomplir…

Ce samedi matin, c'est l'heure. Vent nul. Prévol. Contact. Le Rotax 503 à 6800 tours et la Duc carbone arrachent les 440 kg, l'aile pivote autour de la roue en portant et c'est en l'air en… 30 m. Après ça grimpe comme un bouchon à 80 km/h. Au moins 5 m/s (la pente est spectaculaire mais le vario est en panne). Le bruit rauque à l'intérieur évoque plus la Porsche 911 qu'on bouscule qu'il n'est gênant, dehors c'est très discret. Comme avec l'AV-36 motorisée, il n'y a rien à faire, rien à contrer.

Le premier vol se limite à un 180°, arrêt moteur et retour classique aux AF à contre QFU. Au second je ferme les écopes, place l'hélice repliable. Au troisième je pars en oubliant les soupapes grandes ouvertes (!) et je ne m'en aperçois que parce que l'appareil refuse d'accélérer en vol, ça avait décollé à peu près pareil et montait de même (!), puis 20 mn dans le premier thermique en montant à 600 m. 95 minutes de vol à voile au suivant, en montant à 1000 m. C'est parti.

Quelques problèmes à résoudre, l'inverse serait surprenant. J'en ai trop enlevé devant après une première pesée me définissant en limite extrême avant selon Fauvel, et dès le troisième vol je dois lester un peu en avant. La batterie va probablement retourner d'où elle vient, devant la cloison pare-feu. Les fenêtres ouvertes provoquent du flutter sur la gouverne de profondeur, fermées le problème s'évapore. La stabilité lacet est moins bonne (hum-hum) que celle de l'AV-22. Fauvel avait ajouté après coup l'arête dorsale sur le prototype AV-221, probablement nécessitée par la présence de l'énorme pantalon de roue. J'ai allongé le nez de 40 cm (comme sa variante prévue avec le moteur "Pygmée"). Le fuselage rondouillard est probablement moins stable que celui très plat à l'arrière de l'AV-22. A voir.

Huit vols effectués dans le week-end permettent quelques impressions à confirmer. Les vitesses (indiquées, mais conformes à celles du SF-28 en patrouille) sont plus faibles d'environ 10 km/h que sur l'AV-22 pourtant plus légère en biplace (100 kg de moins à vide). Sensation d'être dans une machine moins chargée, plus AV-36 qu'AV-22. Finale à peine à 80 indiqués, palier rasant à 60, touché vers 50… et arrêt en 30 m, bien plus court que l'AV-22 ! Posé plus facile avec la grosse roue ballon de Piper Cub, mais visu "à piquer", un peu comme de l'arrière de l'AV-22, à bien assimiler. Par ailleurs, visi extraordinaire, sauf sous le large pif quand on arrive dans la bulle au dessus des collègues.

30 juillet : on en est au 10ème vol. Il se confirme un flou certain autour du neutre en lacet malgré une bonne homogénéité ailerons/direction en évolutions. Je vais donc augmenter la corde du drapeau au bord de fuite, c'est le plus simple. En thermique ça "fiche la pâtée" aux Bijave et Ka13. J'ai assisté au 1er envol de mon second pilote d'essai, c'est plus émouvant que d'être dedans. Ca part en 30 m… en mettant la gomme progressivement et pas totalement ! A 50 m on n'entend plus l'appareil (dans l'axe) malgré le vent de face. L'hélice repliable se manipule à merveille, un rêve. Les plus gros problèmes concernent la ventilation cabine, car le fait d'ouvrir les fenêtres provoque de gros remous sur la profondeur. Stéphane mon second pilote a découvert qu'en mettant la fenêtre amovible en inclinaison intérieure, comme le fond d'une prise NACA ça se passait bien… après vérification, c'est exact… mais pas un filet d'air ne rentre.

 26 août : après 1 mois d'essais CNRA, l'AV-222 a aujourd'hui abandonné son immatriculation en F-W pour celle en F-CRGC, et a fait son premier vol en biplace. La campagne d'essais a mis en relief les problèmes suivants :

- efforts permanents à pousser pour garder une vitesse convenable lors des premiers vols,

- gros flutter irrégulier sur la profondeur, avec les fenêtres à ras de l'extrados (position fermée),

- manette de gaz désagréable.

Quelques satisfactions :

- taux de chute peu différent du planeur (à vitesses faibles),

- performances STOL en monoplace,

- atterrissage TRES FACILE comparativement à l'AV-22, et dans l'absolu.

J'avais dès le troisième vol modifié le réglage du tab fixe (celui lié aux AF) calé à cabrer par Fauvel sur l'AV-221, sans doute pour cause de centrage avant et nécessité de tirer en permanence (il avait également calé les ailerons négatifs… ce que je n'ai pas fait). J'ai donc recalé ce tab comme sur l'AV-22, plus ou moins neutre en vol plané.
Malgré cela, il a bien fallu se rendre à l'évidence, le centrage que j'avais passé un trimestre à reculer… était trop arrière ! Pourtant,selon la pesée, dans la zone arrière du "maximum d'agrément et perfo" selon Fauvel (et parfaitement vrai sur l'AV-22 !). La vitesse correcte n'était obtenue que volet de profondeur déjà un peu vers le bas.

Il s'est confirmé que l'atterrissage était d'une déconcertante facilité (surprenante pour qui tutoie les Fauvel depuis 10 ans). A l'évidence il ne faut pas toucher les AF en courte finale, les rentrer fait plonger le nez et l'ensemble de pas mal de mètres et c'est très visible sur une finale longue. Bref, garder le nez en bas (méfiance, la ceinture de verrière donne une sensation "à piquer") presque jusqu'à l'herbe en ne touchant plus aux AF ou seulement en les ouvrant très progressivement, arrondir sans nervosité au dernier carat, palier, ça touche… c'est arrêté, en moins de 50 m sans freiner.

En monoplace le décollage se passe ainsi : plein gaz la machine s'ébranle puis accélère très fort, l'aide lache l'aile, l'arrière se soulève sans rien faire (l'aile tourne autour de la roue) et vous ne sentez plus les cahots, le vario est en butée à +5 (depuis un terrain à 440 m d'altitude, avec l'air à 30° !) . Le tout en 50 m maxi… La meilleure montée vers 80-85 km/h. En biplace ça se calme un peu mais on a encore plus de 3m/s. Le vent travers ou arrière ne pose pas plus de problème qu'avec l'AV-22, c'est à dire moins qu'avec la plupart des planeurs classiques.

En vol, ça monte comme un bouchon au moteur, et en thermique rien ne lui résiste, même en biplace. Visibilité extraordinaire, en se retournant on voit même la dérive ! L'hélice repliable fonctionne à merveille pour le moment ainsi que son dispositif de placement idéal à l'arrêt du moteur. Le redémarrage en vol n'a encore posé aucun problème, 6 ou 7 à ce jour. Le refroidissement du moteur semble très correct puisqu'on n'a jamais dépassé 180 ° pleine gomme avec de l'air à 30°. Le bruit n'est pas infernal en cabine, on peut même communiquer en élevant simplement la voix. Dehors c'est carrément faible, l'engin est inaudible de l'arrière au décollage dès la roue en l'air (50-60 m). On ne l'entend qu'en passage à la verticale et très discrètement.

Quelques points restent à améliorer :

- à propos du flutter sur la profondeur, j'étais certain de la culpabilité des fenêtres. J'avais raison sans gloire, l'air RESSORT par les fenêtres et vient perturber l'écoulement d'extrados. Mes deux prises NACA latérales gobent beaucoup d'air qui ne peut ressortir que par les fenêtres, en pleine dépression d'extrados, malgré l'orifice (trop petit) prévu à la base de l'arête dorsale. Après essais il est flagrant que quoi que l'on fasse il ne rentre pas une molécule par les fenêtres (sauf en écope… qui refait du flutter !), il faut donc les boucher et s'aérer ailleurs.

- indifférence quasi complète en lacet. Fauvel avait déjà mis la grande arête aux essais de l'AV-221 (sans doute en raison de l'énorme pantalon de roue en avant du CG). Bref si la pompe écarte de la trajectoire le motoplaneur reste comme il est et idem si ça "rentre", il faut donc corriger au pied sans arrêt. J'ai ajouté 5 cm de balsa tout au long du bord de fuite de la direction, c'est mieux mais semble un minimum.

- les manches plus courts que sur AV-22 rendent les commandes plus dures et leur conformation genre Jodel D-112 est un peu déroutante.

- Panne d'AF à un vol, panne de démarreur à un autre, cône d'hélice qui fait une tentative d'évasion. Le lot classique d'incidents en essais, je suppose.

- outre le retour de la batterie devant la cloison pare-feu, il va falloir diminuer les variations de centrage entre les configurations à vide et en charge en avançant/abaissant le réservoir (il pourrait être, plus ou moins du même volume, en remplacement de la partie avant du siège, donc sous les cuisses et assis derrière). Il ne serait plus en charge et il faudrait une poire d'amorçage (et sans doute une pompe électrique de secours).

- il faudrait encore diminuer les traînées, l'énorme pantalon de roue inesthétique et lourd doit pouvoir être minimisé et la roulette Scott arrière est vraiment incongrue sur un planeur. Elle gagnerait à être remplacée par une roue encastrée dans la base du drapeau.

Bref, encore quelques heures d'atelier en perspective !


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Le Choucas, un volatile atypique
par Philippe Tisserand

Le Choucas est un motoplaneur biplace conçu par Claude Noin, et inspiré par l'AV-222. Philippe Tisserand, rédacteur en chef de la revue "Vol Moteur" (cf références), a eu l'occasion de tester cet appareil.

Disons tout de suite qu'en deux jours je me suis bien amusé. Quatre heures de vol dont plus de la moitié sans moteur m'ont remis dans le bain du vol à voile malgré une météo peu favorable. J'ai tout d'abord découvert l'appareil en compagnie de Charly Baum, alors encore associé de Claude pour l'industrialisation et la commercialisation du Choucas. Charly est un passionné de vol. Parachutiste sportif de haut niveau, il a mis en place sur l'aérodrome de Gap-Tallard une société de transport et un atelier d'entretien-réparation spécialisé dans le largage des parachutistes. Le démarrage du moteur ne demande pas de compétence particulière. Pompe électrique en marche pour assister la Mikuni d'origine et tirer le carburant du réservoir structurel placé sous les sièges, 1 cm de gaz, starter et un coup de démarreur. Le moteur, qui a 150 h, démarre instantanément et on laisse chauffer en réduisant le starter par petites touches dès que le moteur ronronne. Sur le Choucas, la consigne est de ne mettre plein pot que lorsque les cylindres ont atteint 180°. Apparemment, la recette semble efficace car le moteur est aussi vaillant qu'aux premiers jours.

Nous prenons l'axe après un Robin et un Twin Hotter pendant qu'un ASK 13 est remorqué sur la piste en herbe. La bonne entente qui règne sur ce terrain vaut d'être mentionnée. Plein gaz, on pousse un peu le manche pour mettre le Choucas sur son train principal et il n'y a plus qu'à attendre le décollage qui survient au bout de 10 secondes à Vi = 55 km/h. Il est important de ne pas solliciter l'envol car, sur une aile volante de ce type, un coup de profondeur équivaut d'abord à un coup de frein et le Choucas se repose. On laisse grimper la vitesse à 85 avant d'entamer la montée. Le vario indique 2 m/s ce qui est inhabituel pour moi compte tenu de la puissance du moteur et de la masse importante du prototype. Pendant que nous montons Charly appelle son copain, Jacques Noël, qui forme en ASK 13 Pierre Bouilloux, un gourou du parapente. Il est au Pied de Cëuze, dans un petit 0,5. Hélas, lorsque nous approchons, il a disparu et Noël nous recommande le Blailleul dans le Sud-Est.

On affiche 135 km/h et 5 400 tr/mn, la croisière économique et en 10 mn nous y sommes. Effectivement, ça donne au ras de la pente. Il faut dire qu'il est tard et que le courant dominant de nord contrarie la brise de pente. En une demi-heure de huit au ras du caillou moteur coupé, je découvre les finesses du Choucas. Les ailerons sont fermes mais suffisamment efficaces dans ces conditions. La dérive permet de conserver la symétrie sans de trop grands coups de botte. Pour la profondeur, le mieux est de s'en servir le moins possible, juste de quoi maintenir la vitesse optimum de 85 km/h.

Comme on se lasse de tout, Charly me propose de voir la vache locale à cinq kilomètres au bout de l'arête. Pas de problème, le Choucas, moteur coupé, nous y emmène avec une confortable marge de sécurité. Redémarrage, nous laissons chauffer un peu les culasses et nous passons Digne à 1 000 m. Ensuite, retour vers le rocher de Hongrie au-dessus du terrain de Vauhmeil. Nous sommes remontés à 2 600 m au moteur. Au loin je vois l'arête de Monsérieux qui barre le terrain de Tallard. Plus rien ne bouge, il est presque 6 h et Charly veut me montrer la finesse du Choucas. Nous coupons à nouveau. Sans y croire, je pointe vers Tallard en affichant la vitesse de finesse maxi à 90 km/h. Malgré la légère composante de vent de face, petit à petit je vois passer la crête sous notre plan de descente. En arrivant en base Sud, nous sommes encore à 500 m au dessus du terrain. Les 22 de finesse annoncés ne sont pas loin ! Après un petit solo à la nuit tombante, je retrouve le lendemain matin le Choucas pour un test plus en profondeur.

En solo, les performances s'améliorent sensiblement. Le décollage ne prend plus que 7 s. Le taux de montée est meilleur à 2.5 m/s, Vi 80 km/h. Encore manque-t-il 500 tr/mn au moteur pour atteindre la pleine puissance. Hélas, la journée est encore pire que la veille. J'ai un mal fou à trouver un thermique exploitable. Je finis malgré tout par trouver un cumulus en plaine qui me permet de remonter sans moteur de 1200 à 2200 m. Le Choucas est facile à tenir dans le thermique. Les sensations perçues hier se confirment : il faut éviter de toucher à la profondeur. Claude m'a expliqué son truc, il suffit de regarder latéralement pour voir si la profondeur est alignée avec l'aile. Dans ce cas, la traînée est minimum. En se reculant un peu dans le siège, on arrive à régler la vitesse à 80 en virage et il n'y a plus qu'à toucher au manche pour suivre le thermique. Si le vent et les dégueulantes sont faibles, les transitions moteur coupé se font en solo à 85. En fait, sur une aile volante, la vitesse de taux de chute mini et celle de finesse maxi sont très proches. Après être revenu deux fois sous mon cumulus, je décide de rentrer. Au nord-ouest, une couche de Cirrus mange lentement le bleu du ciel et, lorsque j'arrive au dessus du terrain, il est dans leur ombre et la convection presque coupée. J'en profite pour remonter à 1500 m QFE pour mes petites mesures. Le taux de roulis à 80 km/h atteint 3,1 s pour 90° ce qui est très bien pour un ULM de cette envergure. La stabilité en tangage manche libre est neutre. Après sollicitation, le Choucas entretient une oscillation non divergente de période 31 s. C'est tout à fait acceptable pour ce genre de machine et très fréquent sur les planeurs modernes. Il est également neutre en roulis ce qui constitue un avantage pour un planeur appelé à constamment virer à inclinaison presque constante. La dérive assure une parfaite stabilité lacet, inhabituelle en ULM. La vitesse maxi est impressionnante pour un appareil aussi surfacé et aussi faiblement motorisé. Avec 6 800 tr/mn au moteur, donc la puissance maximum à pleine ouverture, j'ai mesuré 160 km/h au GPS alors que le badin indiquait 152. C'est vraiment vite et il n'y a pas beaucoup de biplaces ULM qui atteignent cette vitesse avec un simple Rotax 503.

Passons maintenant au taux de chute mini, un paramètre important pour ce type de machine. A Vi 80 km/h, une mesure à l'alti chrono donne 1.05 m/s. C'est une bonne valeur pour un motoplaneur mais, par petites conditions, il faudra soigner son pilotage et son positionnement pour tenir en plaine. Cette valeur pourrait certainement passer en dessous du mètre en utilisant un frein d'hélice ou mieux une mise en drapeau. En effet, même à 80 km/h, l'hélice tourne lentement, environ un tour en dix secondes, et sa traînée perturbe sensiblement l'écoulement sur l'aile surtout au voisinage de l'horizontale. Cela se ressent au vario qui passe à chaque fois à - 1.2 m/s.

Le décrochage est, quant à lui, extrêmement intéressant. L'assiette cesse d'augmenter à Vi 55 km/h. A ce moment, le manche est en butée arrière mais on continue de contrôler parfaitement le Choucas en lacet comme en roulis. Il garde simplement le nez haut sans même osciller. Le vario indique alors 1,8 m/s, une valeur très basse qui permettrait d'admettre de se poser dans cette configuration. En revanche, lorsque l'on relâche le manche, un buffeting de profondeur apparaît et ne disparaît que lorsque le Choucas atteint 80 km/h, vitesse a laquelle le taux de chute remonte à 1 m/s. Il semble qu'un décrochage local au raccord entre l'aile et le fuselage provoque ce phénomène. Le décrochage en virage présente exactement les mêmes caractéristiques sauf que le varie indique 2.5 m/s.

L'approche se règle facilement aux aéro-freins qui comportent deux positions. Attention, leur sortie crée un couple piqueur qu'il faut compenser à la profondeur. On évitera donc de les manipuler en dessous de 20 m. Le mieux est d'exécuter l'approche avec un ou deux crans suivant la réserve de hauteur que l'on a et, lorsqu'en est sûr de faire l'entrée, de mettre le deuxième cran et de ne plus rien toucher. Ensuite, il n'y a plus qu'à attendre la montée du sol et faire l'arrondi qui peut être beaucoup trop haut. Les particularités du décrochage et le faible taux de chute manche en butée arrière permettent de se poser 3 points sans rebond si on ne relâche pas le manche. J'ai fait une tentative d'arrondi à 1 m mais Charly qui est un peu un forcené a tenté le coup à 10 m sans rien casser ! En fait, du moment que vous ne tapez pas d'abord sur les roues principales, il est difficile de rater un atterrissage. Si par malheur cela vous arrive, le Choucas rebondira. Maintenez le manche au ventre et attendez. Il serait surprenant qu'il tente un second bond. Le roulage, 150 m, est assez long vu la masse de l'appareil. Les freins en bout d'aérofrein permettent de réduire sensiblement cette distance.

Le concept motoplaneur du Choucas est une réussite. L'appareil a des capacités voilières suffisantes pour exploiter les bonnes conditions thermiques, un taux de montée au moteur qui permet de ne pas se traîner trop longtemps près du sol et une croisière assez rapide pour voyager efficacement. Il reste à installer un frein d'hélice pour répondre au cahier des charges initial. Les gros handicaps sont le prix et le look inhabituel de la machine. Le kit permet de réduire sensiblement le premier et il faut considérer que le concurrent le plus proche est le motoplaneur SF-25 qui coûte nettement plus cher. Pour le 2ème, il faudra faire avec et un vol à bord permettra de se convaincre facilement que le Choucas se comporte au moins aussi bien que ses congénères.


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En vol sur le Genesis
par Robert Salvo

Ce texte, traduit de l'anglais, est extrait d'un courrier électronique adressé par un des premiers pilotes du Genesis au concepteur du planeur, l'américain Jim Marske, et à l'ensemble du Group Genesis. Il décrit clairement le comportement en vol d'un planeur doté d'une voilure autostable, piloté ici en conditions extrêmes.

Après avoir piloté le Gennie (comme le surnomme Jim) pendant 60 heures, je dois dire que j'apprécie vraiment ses caractéristiques de vol, agréables et très intéressantes. Je le trouve plus stable en vol que tous les planeurs en composites que j'ai piloté jusqu'à présent. L'absence de queue lui donne l'agilité d'une hirondelle, autorisant des tactiques inhabituelles pour exploiter les thermiques. Grâce à la partie stabilisatrice de l'aile, et à sa faible inertie en piqué, le Gennie répond immédiatement aux divers mouvements de l'atmosphère, s'alignant de lui-même avec la masse d'air, rendant ainsi le vol plus agréable et moins fatiguant pour le pilote que n'importe quel autre planeur de série.

J'ai fait l'expérience de rotors de montagne et de très violents thermiques, qui se seraient traduits pour les pilotes de planeurs conventionnels par de violentes accélérations verticales. Dans les Montagnes Blanches du New Hampshire, je me suis retrouvé dans des rotors qui auraient soulevé mes pieds des palonniers et projeté contre la verrière tout objet non attaché dans le cockpit, si j'avais piloté une autre machine qu'un Gennie. Au lieu de cela, le nez du planeur s'éleva dans la partie descendante du rotor, réduisant dès le début les G négatifs, puis s'abaissa (diminuant ainsi les G positifs) en entrant dans la partie ascendante du rotor. Sur le point de quitter le rotor, il se mit immédiatement dans la ligne de vol appropriée, en ayant à peine changé de vitesse tout au long de cette confrontation. La seule chose vraiment surprenante pour moi fut les angles de vue dont je disposais : un moment, je regardais vers le ciel, peut-être à 30 ou 40 degrés vers le haut, le moment d'après je regardais vers le sol, au même angle mais cette fois-ci vers la bas, puis droit vers l'horizon. Tous les objets dans le cockpit restaient à leur place, et mes pieds restaient sur les pédales du palonniers tout au long de cette phase de vol. Comme je l'ai déjà dit, le comportement du Gennie est plutôt agréable.

Alors que j'étais au dessus de New Castle, en Virginie, j'ai volé droit au coeur d'un thermique qui devait monter à plus de 10 m/s, car le planeur piqua pendant un bref instant pour s'aligner avec le flux du thermique. Dans ce bref instant, je pense avoir vu des feuilles et des détritus venir vers moi. Les sensations éprouvées en entrant et en quittant un thermique sont l'opposé de ce à quoi je suis habitué. Le nez du Gennie s'abaisse quand on y entre et monte quand on le quitte, me donnant ainsi de nouveaux signaux quand je me centre dans un thermique. Après avoir volé dans des planeurs en composites conventionnels pendant 30 ans (2600 heures, 14 ans dans un H301 et 16 ans en LS4), j'ai trouvé que les caractéristiques de vol du Genesis étaient revigorantes et qu'elles m'ouvraient de nouveaux horizons. Je suis enchanté de la façon dont il vole.


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